Comment vit-on sous une ligne à haute tension ?

A Coutiches à 25 kms de Lille, la 2 fois 400 kv installée en 1991 par EDF passe à moins de 120 mètres d'une petite agglomération de 2.000 Habitants. Certains câbles passent à 10 m de la verticale d'une chambre d'enfants... La psychose se développe. Les habitants sont au courant des études en cours et... sur les cancers potentiels des riverains de telles lignes électriques : l'on parle de leucémie. Les médecins ont constaté des cas d'eczéma et d'insomnie. Dans la maison la plus exposée on a mesuré un champ magnétique de 27 milliGauss, alors que les risques de leucémie apparaissent avec une exposition permanente de 3 milliGauss...

Des banderoles dans la rue sont promenées lors de manifestations pour que la presse locale ou d'autres médias en véhiculent l'information : « installation sous tension - danger de mort ». Un mannequin pendu à un poteau porte au marqueur rouge l'inscription : « cobaye d'EDF ». On rapprochera bien évidemment cette relation avec celle de cette exploitation agricole dans la Manche qui vit sous la ligne THT (très haute tension) du réseau de Saint Laurent de Terregate.

Du côté d'EDF Jean Lambrozo, directeur des études médicales du monopole d'état, expert devant les tribunaux s'est engagé pour EDF à racheter la maison de ceux qui veulent partir...

Les habitants, soutenus par l'association SOS environnement qui luttent pour le déplacement de la ligne avaient réussi à obtenir un protocole signé en juillet 1991 avec EDF, l'association et la municipalité pour un suivi médical.

Ce contrôle devait porter sur une centaine de volontaires parmi les riverains qui devaient être soumis à divers examens de sang tous les 6 mois. Or rien ne serait encore fait en 1993. Ce cas n'est pas isolé, ailleurs ce sont des élevages et le processus de l'extension du réseau par une montée en puissance ou un doublement des lignes qui génère les mêmes nuisances et les mêmes manifestations quand les lignes ne sont pas enterrées. Notre exemple consigné, ici en rappelle d'autres tout aussi spectaculaires comme celui en Grande Bretagne du village de Borrowby (Yorkshire) où sous une ligne à haute tension le champ électrique est tel qu'il induit une différence de potentiel suffisante pour allumer un tube à néon tenu à la main.

Le tableau suivant est assez significatif pour n'avoir pas besoin de le commenter.

ELECTRICITE

LIGNES ENTERREES

Pays

%

PAYS BAS

100

BELGIQUE

77

ALLEMAGNE

55

GRANDE BRETAGNE

44

ITALIE

22

FRANCE

21

D'après un article de Science et Avenir Déc. 1993.

Dans les 6 pays qui composaient l'Europe du Marché Commun, la France est bonne dernière après l'Italie...

Dans un article d'Economie et Santé N°1 Printemps 1993 p. 92, 99, les auteurs font référence à propos des lignes à T. H. T aux U.S.A. Comment en octobre 1990 l'agence US de protection de l'environnement a publié un volumineux rapport intitulé « l'évolution du pouvoir cancérigène des champs électromagnétiques » ce rapport portait la mention : « ne pas citer et ne pas utiliser comme référence ». Il faut en effet s'interroger sur les raisons de mobiliser un tel potentiel en hommes et en matériel, disent les auteurs de l'article, pour aboutir à l'édition d'un travail destiné à ne pas être utilisé ! un contenu alarmant qui conclut « les essais sur les animaux et les études épidémiologiques sont suggestifs d'une relation de cause à effet : les multiples leucémies, les tumeurs du cerveau chez les enfants exposés aux champs magnétiques de 60 Hz, des systèmes domestiques de distribution du courant, confortés par des découvertes similaires chez les adultes dans plusieurs expositions professionnelles (au poste de travail) mettent en cause les expositions aux fréquences des courants électriques qui permettent d'établir des schémas de réponse... »

La revue scientifique « Nature » va jusqu'à accuser le directeur de la santé et de l'environnement d'avoir de son chef supprimé la demande de classement des lignes de H. T. dans la catégorie des facteurs cancérigènes sous prétexte que les mécanismes n'étaient pas assez connus. On sait que c'est chez nous la thèse d'EDF

Les Etats Américains ont néanmoins adopté une loi pour réglementer les servitudes de passage des lignes THT « On évitera de construire des habitations ou des fermes dans le voisinage immédiat des THT ».

Il n'est pas question de reprendre les conclusions bien connues des deux études suédoises toute récentes. Ils s'agit de celles de Flodorus et de son équipe de l'institut de Karolinska et de celle de Feychting, de Stockholm, sur les cancers des enfants exposés aux HT.

Bref tous les travaux de recherches aboutissent aux mêmes résultats Les risques dus aux lignes à haute tension ne sont pas un mythe. Les processus sont toujours identiques : dysfonctionnement neuroendocrinien, action sur l'hypothalamus et l'hypophyse, mais nous retrouverons ce schéma dans le chapitre sur le chemin de la maladie. Ce qui est important à propos de ces 2 études c'est que le gouvernement suédois a décidé d'en tenir compte et de légiférer afin d'éloigner les lignes et les transformateurs des zones habitées de telle sorte qu'il n'y ait pas d'habitations ou de fermes à moins de 300 mètres des lignes en question.

Où en sommes nous, à cet égard pour la France ?

Toujours au rapport de l'INSERM (Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale Française) rapport de 1993 sur les effets des champs électromagnétiques d'extrêmement basses fréquences :

« Les résultats épidémiologiques actuellement disponibles ne permettent pas d'exclure un rôle des champs magnétiques dans l'apparition des leucémies en particulier chez l'enfant ».

C'est sans doute une formulation négative qui n'a pas la même vigueur que son expression positive à savoir que les champs d'ELF peuvent être responsables de l'apparition de leucémie chez l'enfant c'est celle que nous retiendrons même si les gens du monopole font la sourde oreille. C'est ainsi que nous pouvons en trouver l'information dans la revue Science et Avenir N° 554 d'Avril 1993.

« A la demande d'EDF, l'INSERM a examiné la littérature épidémiologique portant sur les effets des champs magnétiques. Ils pourraient être impliqués dans l'apparition des leucémies. EDF poursuit ses recherches dans le cadre d'une étude en collaboration avec Hydro Québec ».

Nous traduisons : encore du temps de gagné pour certains mais de perdu pour d'autres. Autant de tergiversations ne peuvent guère s'expliquer que par les intérêts en jeu...

RESUME DES MODIFICATIONS BIOLOGIQUES INDUITES PAR UNE EXPOSITION AUX EFFETS DES LIGNES A HAUTE TENSION AU QUEBEC EN 1989

Sur la cellule

Sur les systèmes biologiques par le biais de la chaîne hormonale

Baisse du taux de calcium transmembranaire

- Epiphyse et sécrétion de la mélatonine (rhytme du sommeil)
- Malformation des embryons (souris et rat)
- Sérotonine et dopamine en baisse au niveau de l'hypothalamus (macaque)
- Ralentissement du rythme cardiaque (homme)
- Baisse de l'immunité (souris)

N. B. on peut noter qu'on trouve déjà tous les éléments du Chemin du cancer.

Le débat en question

Une excellente revue mutualiste, pour informer son public sur la controverse posée par les lignes THT, fait état des deux points de vue qui sont soutenus à titres divers par des spécialistes de la question. On va retrouver en substance son contenu. L'un dirige le service des études médicales d'EDF, expert auprès de la cour d'appel. Il reconnaît que le phénomène des champs électromagnétiques (CEM) n'est pas limité aux seules lignes à HT et que tout appareil électrique génère des CEM. Un réfrigérateur, un grille-pain, un radio-réveil, un sèche-cheveux etc, nous exposent plus que les lignes à HT. Après quelques généralités de ce type, il évoque le débat relancé en 1979 par les travaux de Nancy Weithmer et E. Leeper associant le risque leucémique chez les enfants de Denver Colorado - U.S.A. aux lignes de transport d'électricité voisines. Il minimise ce risque de cancer de 2 à 3 fois plus élevé que la moyenne faute d'un système de mesures qu'il ne juge pas adéquat. Sa conclusion est que rien n'est prouvé et que la France comme un certain nombre d'autres états, attend les résultats d'études plus sérieuses...

Le second est enseignant et chercheur à l'INSA (Institut National de Villeurbanne des Sciences Appliquées) d'une manière précise il fait le constat clinique, il relate les dernières études en date toute récentes celles de Flodorus et celles de Feychting qui portent sur 450.000 résidents sous les lignes THT dans un couloir de 300 mètres de part et d'autre des poteaux. Etude, on le sait, qui conclut sur les risques certains de leucémies et de tumeurs. Il parle à bon escient de la découverte de Kirschving dont nous reparlerons plus loin. Il recommande la prudence vis à vis des appareils et le respect d'une certaine distance (en effet à 1 mètre 12 il n'y a plus de nocivité et il indique les recommandations du gouvernement suédois 25 v /m pour le champ électrique et 2,5 milliGauss pour le champ magnétique. Il est conscient que 100.000 personnes sont exposées en France sous les THT.

Bref l'essentiel est exposé. Les deux présentations par effet de contraste et de complémentarité parlent sans avoir besoin d'un long commentaire pour ceux qui sont déjà sensibilisés à la question. Les lacunes de la première apparaissent d'autant mieux que l'on sait que EDF traîne Les pieds si l'on peut s'exprimer ainsi ! Il y a déjà un bon nombre de dossiers en cours d'instruction.

Je remercie particulièrement la revue pour l'excellence de son article. Ce chapitre, déjà élaboré au moment de la parution de l'article en août-septembre 1993, est remanié en conséquence compte tenu de la controverse qu'il permet d'introduire. On en retire, quoiqu'il en soit, que l'idée et une certaine conception de la géobiologie font peu à peu leur chemin : « on commence à en parler, l'idée est dans l'air ».

Voilà un début, c'est vrai mais quand on pense aux pesanteurs du système, aux arguties juridiques administratives, aux intérêts et à la puissance de certains groupes de pression, le débat a, certes, encore de beaux jours devant lui. Quant aux lignes de haute tension en France, la solution consisterait à les mettre sous terre. D'abord elles ne sont guère esthétiques et il y a ce risque. Tout un chacun préfère que sa maison en soit le plus éloignée possible, il en est d'ailleurs de même de l'autoroute, ou d'un aérodrome...

Le réseau comporte 12.000 kms de lignes à 400 kv, leurs postes d'interconnexion sont un peu ce que sont les centres de triages sur le réseau ferroviaire. Il y a aussi les postes de transformation du courant qui abaissent la tension à 225 ou 63 kv et les différents types de centrales...

On les mettra sous terre un jour... en attendant toutes ces installations n'ont pas fini d'abimer nos campagnes. EDF compte encourager cette politique d'enterrement des lignes de basse et moyenne tension et aussi celles de haute tension. En revanche pour les 400 kv le prix, d'après ses calculs, est trop élevé...

Il en est de cette pollution particulière comme de la pollution générale. Il importe à chacun de prendre conscience sans céder à la panique que la pollution ambiante est générale et en voie d'augmentation pour les années à venir. Il en résulte un double impératif. d'abord au niveau individuel que chacun s'efforce de la réduire à son propre niveau et pour celle-ci de ne pas aller s'installer, n'importe où, n'importe comment. Ensuite, que les responsables politiques n'occultent pas les problèmes, comme ils le font trop souvent...

C'est le seul comportement raisonnable possible, si l'on veut survivre et léguer à nos enfants une planète vivante qui soit autre chose qu'une poubelle dangereuse, remplie de chausse-trappes comme pourrait le réaliser le stockage des déchets nucléaires.

Ci-joint la liste des associations qui peuvent être utiles pour ceux qui ont à se plaindre de troubles de santé pour l'homme ou les animaux provoqués par les lignes à THT :

Commission Européenne
D G 11 POLLUTIONS
200 rue de la Loi
B 100 BRUXELLES

J. L. MERCIER
15 route de la Guerche
35500 VITRE
Tél : 02 99 75 10 34

Roger SANTINI expert INSA
20 avenue Albert Einstein
69621 VILLEURBANNE
Tél : 04 72 43 81 86

P. Guenel et coll. « Synthèse de la littérature sur les effets des champs électriques et magnétiques de très basse fréquences sur la santé » INSERM 1993, 43 pages.