Une révolution dans le genre de vie

Une révolution qui n'est pas sans conséquence

Faisant un retour par la pensée sur ce demi-siècle, j'ai le souvenir de cette époque de 1936 à 1945 qui a marqué les gens de ma génération. Agé d'une dizaine d'années et vivant à Paris, j'allais pour les grandes vacances, soit en Bretagne. au bord de la mer, soit à la campagne à une centaine de kilomètres de la capitale. c'était un petit village du Gâtinais du sud de la Seine-et-Marne où ma mère était née. Dans ces campagnes, la force électrique n'était employée principalement dans la consommation des ménages que pour l'éclairage. Ce n'est qu'à la mort de sa mère en 1937 que mon grand père put enfin faire installer l'électricité dans cette maison de famille et ainsi d'avoir la possibilité d'entendre les informations à la radio. c'était important car le chemin des événements nous conduisait vers la seconde guerre mondiale... Dans la ferme voisine de cette maison de campagne, mon grand oncle, le frère de mon grand père qui l'exploitait n'avait même pas de poste de radio. Il utilisait cependant un coupe-betterave pour confectionner la nourriture de sa douzaine de vaches toute l'année à l'étable. Je me souviens très bien de cette unique machine à moteur de toute l'exploitation. Son moteur était énorme, il marchait sur le triphasé et je le mettais en route à l'aide d'un gigantesque interrupteur à levier... A cette époque pas de trayeuses électriques, ni de tracteurs, le labourage se faisait par un attelage de deux forts chevaux. Pour battre le grain, la moisson rentrée, on faisait venir la batteuse et c'était tout un spectacle que le déplacement de cette grande machine à vapeur. La route qui permettait d'accéder à ce petit village ne fut goudronnée que l'année de la déclaration de la guerre... Dans la location, faite par ma grand mère, Au Val André en Bretagne où elle nous emmenait, pour nous faire profiter des bains de mer ma cousine et moi, il n'y avait aucun appareil électrique, ni même de poste de TSF mais on avait cependant l'éclairage. Le boulanger voisin pétrissait à bras et cuisait au bois ces grosses miches rondes à la croûte épaisse que nous aimions tant. Quand en 1940, après sa démobilisation et de retour de la zone libre mon père vint s'installer en Normandie, l'habitat dispersé de cette région avait fait que bien des écarts n'avaient pas encore été touchés par l'électrification. Dans ce pays d'élevage, il me souvient qu'il me fallait tourner à la main l'écrémeuse et la baratte pour faire le beurre. Impatient de faire autre chose, j'ai encore le souvenir vivace de ces longues heures passées à ces tâches fastidieuses. Lorsque la température, l'hiver, était peu propice, le beurre mettait un temps fou à se faire. A la ville, on connaissait les glacières que le glacier venait recharger chaque matin. Seuls les commerçants en possédaient (très rares étaient les ménagères à en posséder. On ne connaissait pas encore la civilisation des réfrigérateurs). Lorsque nous rendions visite à l'une des sœurs de ma mère en banlieue, elle habitait dans un immeuble neuf de cinq étages avec ascenseur. Chez elle pas de machine à laver. Pour moudre le café, c'était toujours sur moi que l'attention de ma tante se dirigeait pour se décharger de cette tâche domestique. j'avais l'habitude de faire cette corvée. Plus tard j'ai béni l'inventeur du moulin électrique. Comme ustensiles utilisant le courant électrique, il y avait une TSF. et une bouilloire. Aujourd'hui à l'orée de l'an 2000, la vie a été bien transformée si on la compare à cette époque qui retenait beaucoup de bras à la terre. Puis peu à peu le machinisme et les robots ménagers de toutes sortes firent leur apparition. Pour la France c'est vers les années cinquante que cette mutation fut porteuse de ses premiers signes. On la verra se généraliser durant cette période appelée les trente glorieuses. Aujourd'hui il n'est plus significatif de se pencher sur le taux d'équipement des ménages pour les appareils qui étaient des objets de luxe dans la période décrite précédemment. Baignés dans ce nouvel environnement, les jeunes et les moins jeunes habitués à les voir autour d'eux, ne s'en rendent même plus compte. Or, il en est de l'électricité comme de toute chose dans ce monde de la dualité : elle a ses aspects positifs et ses aspects négatifs. La face lumineuse et utile est celle de la lumière apportée et de l'aide qu'elle permet d'obtenir par tous ces robots et toutes ces machines qui travaillent pour l'homme dans les tâches ingrates et répétitives de la vie quotidienne. Ici elle est devenue une aide indispensable, pour le lavage du linge, de la vaisselle, de la cuisson avec des fours performants que l'on peut programmer, le brossage ou l'aspiration des tapis et des sols. Et l'on pense aux femmes seules qui doivent travailler à l'extérieur. On pense aux loisirs, à l'information (et peut être un jour à la formation) qu'elle dispense par la radio, la télé, le micro-ordinateur et le Minitel. Il faut ajouter à ce tableau le volet industriel du travail posté dans l'entreprise et du télé-travail à domicile qui se profile à l'horizon. La face obscure et encore méconnue après la période d'euphorie des trente glorieuses se révèle peu à peu, sournoisement, sans crier gare. c'est à l'usage qu'elle peut être cernée afin de la démasquer et de se prémunir de ses effets pervers ; mais bien entendu la première étape est la prise de conscience. Puisque précédemment je me suis placé dans un cadre champêtre retrouvons le pour apercevoir les méfaits des lignes à haute et à très haute tension que l'Electricité de France met un peu partout en service dans notre pays pour parfaire son réseau. Dans telle petite commune du sud de la Manche, entre Avranches et Mortain, l'EDF a mis sous tension de 2 fois 400.000 volts le réseau de Saint Laurent de Terregate en 1989. Elle passe en particulier sur les propriétés d'un exploitant agricole qui tire ses revenus de l'exploitation d'un troupeau d'une cinquantaine de vaches laitières. Or ce dernier constate depuis cette date toutes sortes de nuisances. Ses vaches ont des mammites à répétition. Elles ont une propension à avorter très nettement supérieure à la normale. Le taux de mortalité des veaux est sans commune mesure avec ce qu'il était avant la mise sous tension de la ligne. Sans vouloir nous étendre ici sur les anémies des veaux qui viennent de naître et des maladies qu'ils contractent plus facilement, disons tout simplement que l'exploitant a constaté qu'avec la même quantité de nourriture. il n'obtenait pas le même rendement en lait avec ses vaches, en viande avec ses veaux. Le rapport qu'il fait est saisissant : de 6.500 litres de lait produits normalement par an et pour une vache, la lactation globale est tombée à 4.500 litres. on calcule aisément une perte sèche sur ce seul poste de l'ordre de 30 %. Il a en outre, dans son essai d'y remédier, dû ajouter des compléments alimentaires sous forme de vitamines et d'oligo-éléments en dépassant les normes d'un coefficient 7. Il a pu remarquer que son cheptel était stressé. Dans sa comptabilité, il peut même vous calculer les pertes consécutives à ces nuisances en rapport direct avec son manque à gagner. On doit être conscient que si ce monsieur et sa famille doivent séjourner dans la zone sensible on ne sera pas sans constater dans un laps de temps plus ou moins long des troubles sérieux de santé. Mais nous retrouverons ce problème ultérieurement pour les êtres humains, car le chemin de la maladie est identique pour l'homme, l'animal et même pour le règne végétal. Il faut avoir été confronté à de tels faits ou en être sérieusement informé pour savoir que cela n'arrive pas qu'aux autres. nous sommes en l'occurrence tous logés à la même enseigne. nous avons le droit de savoir pour nous prémunir assez tôt avant des conséquences irréversibles. EDF mise en cause refuse jusqu'à maintenant de reconnaître ses responsabilités et fait, suivant l'expression consacrée, la sourde oreille sous prétexte que ce sont des affabulations, que tout reste à prouver. Voici où nous en sommes en cette fin de l'année 1993. Des constats identiques ont été réalisés notamment dans des élevages porcins, avec des baisses de la natalité et des hausses dans la mortalité.

Tableau récupitulatif des nuisances sur un cheptel bovin situé sous une ligne à haute tension

CONSEQUENCES  MESUREES

PRODUCTION ANNUELLE PAR VACHE

1° Pour le lait

diminution de 6500 à 4500 l

2° maladies

 

a) vaches

Mammites répétées
Avortements, stérilité, nervosité, stress

b) veaux

Taux de mortalité en hausse
Anémie et diverses maladies
Fragilité générale, stress

c) nutrition

Difficulté d'équilibrer les matières azotées, vitamines et oligo-éléments (7 fois les normes)

autre constat
aggravation l'hiver

Mettre en relation avec le débit =
plus grande utilisation de l'énergie

N. B. : un nutritioniste a relevé des carences en Cu et en Zn. Malgré tous les efforts, on a en fin de compte trop de problèmes de santé. On a été jusqu'a préconiser la pose d'aimants dans la poche stomacale des ruminants.
On pourra avec profit parcourir ci-après dans ce second tableau ces quelques repères chronologiques qui nous portent d'année en année à travers les percées technologiques qui ont façonné notre monde actuel. On aura remarqué qu'ils ont tous un rapport obligé avec l'électricité. Ils font l'intérêt de ces trois quarts de siècle.
Il n'est nullement question de les nier, ni de se priver des apports bénéfiques qui malgré des contre-parties nous rendent la vie plus facile et plus agréable.

Quelques repères chronologiques

1915

P. Langevin : le Sonar pour repérer les icebergs, les épaves.
Radiophonie : première transmission de la voix au dessus de l'Atlantique depuis la tour Eiffel.

1918

Première émission régulière de radio à Pittsburg U.S.A.
Mixer électrique.

1928

Invention de la radio FM du rasoir électrique.

1935

Un Britannique invente le radar.

1940

Première télé couleur.

1943

Première machine à calculer électronique.

1945

Le transistor.

1948

D. Gabor G. B. Le procédé holographique.

1951

Premier calculateur digital.

1953

Apparition de la haute fidélité.

1954

Invention du Maser ancêtre du laser.

1956

Commercialisation du premier poste à transistor.

1960

T. Maiman crée le premier rayon laser.

1962

Laser utilisé la première fois en chirurgie des yeux.

1964

Premier circuit intégré dans les ordinateur IBM.

1968

Première stérilisation des aliments par irradiation.

1969

Première mondiovision : 600 millions de spectateurs.

1971

Intel : premier micro - processeur, magnétoscope portable.
Le courant électrique favorise la guérison des fractures.

1973

Naissance de l'échographie. Lancement de skylab.

1974

Commercialisation des premiers micro ordinateurs.

1975

Montres à quartz et cristaux liquides en vente en GB.

1978

Vidéodisque à laser Philips. Lancement de météosat France.

1982

Disques laser.

1982

Premiers camescopes grand public et souris sur le micro.

1984

Distribution gratuite du Minitel en France.

1986

Microprocesseur à 32 bits pour les ordinateurs.

1986

En Grande Bretagne, la vache folle EBS :
encéphalite bovine spongiforme.

1991

Scandale du sang contaminé.

J. R. d'après Science et vie N°908